Marques des années 2020

Sorry, l’image est plus réelle que la réalité.

Diriez-vous que communiquer c’est vouloir paraître ce que l’on n’est pas ? Ou ce que l’on est ?

Inutile de faire semblant. Le discours commercial ne pourra plus jamais s’appuyer sur la seule qualité des produits. Aujourd’hui, le style des publicités gagne à ressembler aux services ou produits à sublimer ou il ne dira pas ce qu’ils sont. C’est avec le même soin que celui mis en oeuvre pour créer vos produits que doit être façonnée l’image d’eux plus vraie que nature que le public appellera réalité. Des geeks pour la réaliser ?

Nous disons tous aimer le parler vrai mais aimeriez-vous qu’on vous dise vos 4 vérités sur vous ?

L’homme n’est pas allé sur la lune. Le 11 septembre n’a jamais eu lieu. Mickael Jackson n’est pas mort. On l’a vu dans un drive in avec Elvis. Et vos produits n’ont aucune des qualités que vous leur avez pourtant amoureusement données. À l’heure des réseaux et des forums défouloirs, le débat pour le débat est devenu un sport très prisé. On s’y dit ses quatre vérités. Souvent fausses. Vive la subjectivité ! A la nôtre ?

Une marque n’est rien sans médias.

Une marque n’est rien sans médias.

Estimez-vous que la pub ne sert à rien et qu’il suffit de gagner à être connu pour l’être ?

Fame ! Les image de réussite sont plus vendeuses que jamais. En fait, on a inversé le sens de fonctionnement du moteur du succès. Ce n’est plus l’image de marque qui fait la notoriété mais l’inverse. Warhol avait raison. C’est la notoriété qui compte en premier. Résultat : dire soi-même que son produit est le meilleur ressemble dangereusement à une habitude un peu ridicule car très 20ème siècle. On peut le dire pour vous ?

Combien avez-vous de photos de vos produits que nos ados pourraient liker sur Insta ?

C’est comme les tubes en musique. Si un morceau plaît à tous, c’est la preuve qu’il est bon. La qualité se juge à présent sur le Net et en nombre de likes et de partages. Partons du principe que ce qui n’est pas célèbre ne saurait être valable. Le mythe des génies méconnus est démodé. Qualité = quantité. Uniformité oblige, il en ressort un peu naïvement que tous les avis se valent. Les naïfs changent vite d’avis. Si ça en jette…

Une publicité vaut les clics qu’elle crée.

Vos non-clients feront de vous une star.

Êtes-vous sûr qu’aucun de vos clients n’a le profil type parfait d’une cible non-stratégique ?

Même reconnue, la qualité d’un produit ne suffit plus pour gagner de nouveaux clients. Elle ne génère plus de renommée, plus de notoriété. L’époque est révolue où l’on pouvait espérer transformer ses clients en ambassadeurs. Aujourd’hui, ce sont vos non-clients qui font de vous une marque. Ils vous connaissent sans avoir jamais rien acheté. Mais ils parlent parfois de vous. Parfois en bien. On leur parle de vous ?

Quel est le seul point commun entre tous vos clients, petits, moyens et grands ? Vous.

Hier, les produits que nous choisissions nous définissaient dans nos goûts, nos valeurs. Désormais ils font bien mieux que d’exprimer qui nous sommes. Ils sont plus qu’un simple sujet de communication. Nous en parlons autant que nous les utilisons. Les marques sont les endroits symboliques d’où nous communiquons. Ce sont des réseaux d’affinités électives, des médias. Nos vies en live. On vous écoute. Tous.

Toute marque est son propre réseau social.

Le public kiffe votre univers si c’est le sien.

L’époque bénie des territoires de marque reposant sur des concepts fumeux est-elle à regretter ?

Aujourd’hui, toutes les vérités sont subjectives. Chacun de nous pense qu’il a raison en tout. D’avance et par définition. Nos opinions personnelles, comme nos choix sont les meilleurs possibles. Les débats d’idées ? Pures joutes pro forma. Pour le plaisir du «clash». Plaire à ses clients, c’est épouser ludiquement leurs valeurs. Et en aucun cas argumenter sur les bienfaits d’un produit qui exprime les vôtres. On en débat ?

Que faites-vous de clients qui trouvent vos produits presque aussi bons qu’eux-mêmes ?

Un consommateur et une marque matchent. Mais un smartphone ou un plat végé ne nous emmène pas pour autant ailleurs. Sauf s’il nous fait la surprise de nous plaire, d’effacer toute distance d’entrée. Coup de foudre. Il est pour nous, comme nous, à nous. Nous ne pensions pas qu’un nouveau produit pourrait nous séduire et nous flatter à ce point. Notre bon goût nous étonnera toujours. A nous de vous redonner goût à la pub.

On s’aime soi dans le miroir des marques.

Les «bénef conso» sont devenus des sensations.

N’est-il pas logique de devoir parler à la «cible» en parlant au «coeur» pour parler au «coeur de cible» ?

C’est toujours mieux de proposer des produits et services offrant des avantages objectifs mesurables. Mais aujourd’hui, il faut en plus que ces bénéf conso se traduisent en sensations. Un produit nous plaît s’il fait nous un effet. De l’effet ? Prenez l’incendie de Notre-Dame. Une perte pour notre patrimoine ? Non, non. Un tsunami émotionnel intime pour les passants «choqués». C’est tellement plus grave ! Nous soignons aussi ça.

Quoi de plus malin que de dire tout bêtement quelle intelligence se cache derrière vos produits ?

Notre niveau culturel a progressé et régressé à la fois. Effet pervers de la démocratisation du savoir. Nous, le grand public, nous nous flattons de penser que notre culture plutôt moyenne constitue la norme au-delà de laquelle l’intelligence est prise de tête. Le vide aidant, les signes marchands sont devenus les symboles de notre civilisation. Malins dans le fond mais tout bêtes au premier plan. Faisons qu’on vous dise : «Smiley + Coeur.»

L’amour de vos fans est symbolique.

C’est la forme qui convainc. Pas le fond.

Est-ce vraiment si moche que cela qu’une publicité doive être belle pour marcher ?

Faire une mauvaise pub pour un bon produit est inconcevable. L’esthétique du discours publicitaire est donc devenue le sceau qualitatif de toute offre commerciale qui se respecte. C’est plus qu’une vitrine. Car si la pub est belle, les produits qu’elle vante seront bons. Sur tous les marchés, les nouveaux bestsellers ont désormais d’entrée un design publicitaire. Notre monde en crise se fait art, il s’esthétise. On aura beau dire.

Si ce qui est vrai peut paraître fake, savez-vous donner l’apparence du réel à la réalité ?

C’est fun, c’est bien vu. Alors, c’est forcément vrai. Pourquoi ? Parce qu’une marque qui utilise nos codes et notre langage ne saurait nous mentir. Elle est comme nous. Et entre nous, on ne se ment pas. On garde cela pour les autres, les autres générations. Solidarité de caste aidant, la forme l’emporte sur le fond. Signe de sa véracité. C’est celle qui dit qui est. Une connivence naît dès que parle un style. Un micro ?

Une pub dit vrai si elle est cool sympa et fun.

Le vrai sujet de toute pub est la marque.

Vous est-il déjà arrivé de penser que votre logo est bien meilleur vendeur que vos produits ?

On croyait encore il y a peu que le meilleur moyen de rendre sa marque attractive était de communiquer sur la qualité de ses produits ou services. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Un produit est décrété bon d’avance si la marque qu’il porte se porte bien. Parce qu’elle est connue. Ou parce qu’elle plaît au premer regard. C’est la marque qui vend les produits et non les produits qui vendent la marque. Vendons-la plus cher !

Par quelle qualité immatérielle, sûre et durable vos produits se distinguent-ils des autres ?

Un produit ou un service qui a de la personnalité est-il plus fiable que ceux qui n’expriment en rien l’ADN d’une marque ? Du style,une griffe, tout est là. Une paire de baskets qui atteint des high-scores en termes de prix ne se distingue pas par la technologie supérieure qu’elle intègre. Elle est signée par un rappeur qui lui donne sa patte en plus de sa «street credibility». C’est trois fois rien mais ça change tout. Vous voulez le 06 de Kanye ?

La marque est une qualité du produit.

Et ce produit sera un coach pour être toi !

Parlez-vous autant de vos clients à vos produits que vous parlez de vos produits à vos clients ?

La première qualité d’un produit ne réside plus dans les services qu’il nous rend mais dans la réalisation de nous-mêmes à laquelle il nous permet d’accéder. Avoir le dernier Machin ou le nouveau Truc, tout est là. Comme s’il ne suffisait plus de compter sur nos qualités pour exister. Être se dit désormais avoir. Racontez-nous en quoi ils nous accomplissent lorsque vous nous parlez de vos produits. Réalisez-nous ! Réalisez-nous !

Votre département R&D a-t-il pour but de donner à vos clients des raisons de se plaire ?

Les consommateurs sont en concurrence les uns avec les autres comme les marques le sont entre elles. Les griffes prestigieuses sont devenues de simples faire-valoir. Il ne s’agit donc plus de faire reconnaître l’excellence de ses productions mais bien de gagner en aura. C’est ce charisme que l’on achète. Fais-moi briller et je jure de t’aimer. Ce ne sont plus les couleurs qui font le tableau, mais le vernis. On vous cire les pompes ?

Une marque est top si on est top grâce à elle.

Conférences

Conférence d’Eric Sembach sur le thème
« Marques des années 2020 »

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